MOHAMMAD MALEKI, ANCIEN
RECTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE TÉHÉRAN
Par Mohammad Maleki, il fut recteur de
l’Université de Téhéran après la Révolution de 1979, il est un célèbre
dissident iranien. Il vit en Iran et est souvent l’objet de pressions et
d’arrestations. Sa tribune percutante sur les prochaines élections en Iran
circule largement sur les réseaux sociaux en Iran.
Cet article est dédié à ceux qui depuis de
nombreux années rêvent la tenue d’élections libres et démocratiques en Iran.
Le théâtre de marionnettes est un spectacle
pour divertir des spectateurs. Au-dessus de la scène de ce théâtre, il y a un
marionnettiste qui fait bouger des figurines et qui imite différentes voix pour
raconter des histoires. Le spectateur a l’illusion que les figurines bougent et
parlent. Mais en réalité, c’est le marionnettiste qui fait tout et décide de
tout.
Dans le régime vélayat-e-faghih [suprématie
du Guide suprême], les choses se passent exactement de la même manière que dans
un théâtre de marionnettes. C’est le Guide suprême qui fait bouger à sa guise
les personnages et décide de ce que tel marionnette doit dire ou ne pas dire.
Durant les 37 dernières années, nous avons
eu de nombreuses « élections » en Iran. Les marionnettes ont changé, mais les
marionnettistes sont les mêmes. M. Khomeiny en son temps, et maintenant M.
Khamenei.
A chaque époque, le marionnettiste a
modifié ses méthodes de travail pour berner les gens et pour attirer davantage
de personnes vers le lieu du spectacle. Etant donné mon âge avancé, j’ai vécu
de nombreuses élections, à l’époque du Chah, comme à l’époque des mollahs. Sous
l’ancien régime, malgré le fait que de temps en temps quelques personnalités de
l’opposition – comme le Dr Mohammad Mossadegh ou Allahyar Saleh – parvenaient à
entrer au parlement, les élections étaient souvent entachées par des mensonges
et des fraudes.
A l’époque du Chah, la plupart de ceux qui
entraient au parlement ou au sénat étaient des gens qui se disaient fiers d’être
le valet et le serviteur du Chah. A cette époque-là, la plupart des soi-disant
élus étaient des courtisans, des grands propriétaires terriens et des
mercenaires du régime.
Après le changement de régime, seulement
dans les premières élections, quelques dissidents ont pu exceptionnellement
entrer au parlement, car M. Khomeiny et ses acolytes n’avaient pas encore
installé leur mainmise sur toutes les affaires du pays. Mais par la suite, la
quasi-totalité de ceux qui sont entrés dans les deux chambres du parlement
étaient des membres du « Parti de la République islamique » et des personnes
liées aux mollahs.
Après des massacres politiques massives dans les années
1980, les
Iraniens ont compris quelle était la nature de ce régime et le spectacle des
élections n’attirait guère personne. A titre d’exemple, selon les chiffres
officiels, lors de la première élection de Khamenei (à la présidence de la
République), 16.8 million de votes lui ont été attribués, alors que lors de sa
deuxième élection, seulement 12 millions de votes lui ont été attribués. De
même, lors de la première élection de Rafsandjani (à la présidence), 15 million
de votes lui ont été attribués, alors que lors de sa deuxième élection,
seulement 10 millions de votes lui ont été attribués.
Le désintérêt du peuple pour les élections
dans le cadre de ce régime a provoqué une grande inquiétude chez les mollahs et
ces derniers ont donc mis en scène un nouveau scénario. Ils ont prétendu qu’au
sein du régime, il y a deux factions rivales, celle des partisans fervents du
guide suprême et celle des partisans de réformes. Pour exprimer leur aversion
envers le guide suprême, une partie des gens ont été tentés de voter en faveur
des soi-disant partisans de réformes. C’est ainsi que Khatami a pu obtenir un
certains nombre de voix et arriver à la présidence. Depuis cette époque-là et
jusqu’à maintenant, ce scénario a été répété sous des formes plus ou moins
différentes.
Prochainement, nous allons assister à un
nouveau théâtre de marionnettes. Le jeu se répète. Deux factions qui sont
toutes les deux issus d’un même système entrent en scène. Avec des promesses
vides et fallacieuses, ils tentent de berner les gens pour les attirer vers le
spectacle électoral. Mais le peuple est de plus en plus vigilant et ne se
laisse plus berner. Le commandant des pasdaran a publiquement avoué que «
l’ingénierie » des élections présidentielles en 2009 a été assumée par les
pasdaran. Dans une telle situation, peu-on encore parler d’élections ? Il
convient de rappeler que même la partie soi-disant élue du régime ne faire
strictement rien contre la faction du Guide suprême.
A titre d’exemple, dans son discours daté
du 9 février 2016, M. Rohani a déclaré : « Nous sommes confrontés
à des problèmes de corruption et de monopole. Il y a une entité que je ne veux
pas nommer ici. Cette entité importe des produits de contrebande et empêche le
développement des industries à l’intérieur du pays. » Rohani fait ici allusion à quelle entité ?
Cette entité est-elle autre que le Corps des Gardiens de la révolution (les
Pasdaran) ? Pourquoi M. Rohani qui est le président de ce régime n’ose même pas
prononcer le nom de cette entité ? Dans un tel contexte, le président du régime
aura-t-il la capacité d’empêcher les agissements et les ingérences des pasdaran
? Je ne le pense pas.
Je ne participerai pas à des élections où
tous les candidats sont sélectionnés par le Guide suprême. Certains individus
affirmant que « participer à des élections est un pas vers la démocratie ». Je
voudrais demander à ces individus : Vous qui avez participé à tant d’élections
pendant les 37 dernières années, combiens vous êtes-vous rapprochés de la
liberté ? Ces scrutions ont-ils été des élections libres et irréprochables ou
ont-ils été des nominations déguisées en élections ?
Ne nous laissons pas berner et ne
participons pas à un jeu qui ne fera que prolonger la règne des mollahs. Les
partisans de ce régime essayent de répandre cette idée que la vie politique en
Iran se résume à des débats entre la faction fondamentaliste et la faction
soi-disant réformatrice de ce régime. Dire une telle chose est une insulte à
l’intelligence du peuple iranien. Les autres qui ne se reconnaissent dans
aucune de ces deux factions internes du régime ne font-ils pas partie du peuple
iranien ? La grande majorité des Iraniens sont indifférents vis-à-vis de cette
mascarade électorale et ne veulent pas participer à ce spectacle de marionnette.
Cette majorité n’a pas le droit de vous critiquer ? Voulez-vous éliminer de la
scène cette majorité, en la calomniant ? Arrêtez !
Peu à peu, le peuple trouvera son chemin,
organisera des élections libres et mettra fin au règne des mollahs. Un jour les
oppresseurs et les usurpateurs quitteront la scène et céderont la place à des
représentants du peuple issus des élections libres et démocratiques. Ce jour n’est pas loin.
Mohammad Maleki
Téhéran - Février 2016
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